Comptes rendus de lecture

L’« Armorial d’Auvergne, Bourbonois et Forestz » de Guillaume Revel (B.N.F., fr. 22297), publié par Emmanuel de BOOS, Nonette, éd. Créer, 1998, 2 vol., 24,5×33 cm, 656 p, ill. couleur.

L’exceptionnel Armorial de Guillaume Revel a reçu grâce à la compétence de M. de Boos et au courage de son éditeur, une édition critique accompagnée d’une reproduction complète en couleur. Peu de manuscrits médiévaux méritaient autant une telle entreprise. Nous voilà comblés par cette publication scientifique qui est en même temps un merveilleux livre d’images.
Rappelons brièvement l’origine et la nature du célèbre document. Commencé avant 1450 et laissé inachevé avant 1461 par Guillaume Revel, héraut Auvergne au service de Charles Ier, duc de Bourbon et d’Auvergne, comte de Forez et sire de Beaujeu, le manuscrit comporte non seulement 792 écus peints avec leur cimier et leur cri, formant l’armorial des vassaux et arrière-vassaux du duc, mais aussi 101 extraordinaires dessins représentant les villes, bourgs et châteaux de ses fiefs. Dédié au roi Charles VII, mais finalement resté dans la bibliothèque des ducs de Bourbon au château de Moulins, le manuscrit parvint, on ne sait trop comment, dans les mains de Gaignières et, par là, se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque nationale. Plusieurs fois copié entre le XVIIe et le XXe siècle, il fit l’objet d’éditions partielles ou de projets éditoriaux inaboutis. Son intérêt a évidemment captivé les savants et, en 1973, Gabriel Fournier a consacré une très belle étude aux dessins des sites auvergnats et bourbonnais (Châteaux, villages et villes d’Auvergne au XVe siècle, d’après l’Armorial de Guillaume Revel, Genève, Droz, Bibliothèque de la Société française d’archéologie, 4). Les dessins des sites foréziens sont en cours d’étude sous la direction de MM. J.-M. Poisson et V. Guichard.
Emmanuel de Boos est déjà bien connu pour la qualité de ses travaux en héraldique médiévale : citons en particulier son volume des Marches d’armes. Berry (Paris, Le Léopard d’or, 1989), son édition de L’armorial de Gilles Le Bouvier, héraut Berry (Paris, Le Léopard d’or, 1995) et sa collaboration à l’ouvrage normatif sur les armoiries publié par l’Inventaire général (Les armoiries : lecture et identification, avec Monique Chatenet et Christian Davy, Paris, 1994, collection Documents & méthodes, 3) Dans l’étude générale qui précède l’édition sont offertes des informations très complètes et des conclusions très convaincantes sur la codicologie, la datation, l’élaboration, la destination, la transmission et la valeur historique du manuscrit. L’édition elle-même fait preuve d’une érudition virtuose en ce qui concerne les armoiries et les généalogies médiévales des régions concernées. Les notices consacrées à chaque écu sont d’une précision d’autant plus remarquable que l’Armorial de Guillaume Revel, et ce n’est pas son moindre intérêt, ne se contente pas de recenser les familles les plus puissantes et les mieux connues, mais englobe avec elles une foule de nobliaux de villages et d’anoblis de fraîche date dont les armoiries ne sont guère attestées par ailleurs. M. de Boos se montre tout aussi à l’aise dans l’étude des dessins de sites et l’on sent bien, dans leur analyse, qu’à la fréquentation des sources et de la bibliographie s’ajoute celle du terrain : une connaissance intime des lieux arpentés depuis longtemps avec passion.
L’Armorial de Guillaume Revel est un document d’une richesse et d’une complexité uniques. Héraldique et généalogie, histoire des sites et du peuplement, histoire de l’art et de l’architecture, histoire économique, sociale, politique et institutionnelle, onomastique : il est peu de domaines sur lesquels il ne fournisse une mine d’enseignements. À coup sûr, cette édition remarquable favorisera le travail des chercheurs. M. de Boos a lui-même bien dégagé les apports du manuscrit sur la question des couleurs héraldiques ou celles des brisures, par exemple. Souhaitons qu’il poursuive la réalisation d’études thématiques exploitant une matière qu’il possède si parfaitement.

Jean-Luc CHASSEL
Extrait de la Revue française d’héraldique et de sigillographie, t. 69-70, 1999-2000, p. 166
© Société française d’héraldique et de sigillographie, 2002

 

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