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Comptes rendus de lecture
L’armorial Le Breton, édité par Emmanuel de BOOS [avec le concours de] Marie-Françoise Damongeot, Jean-Marc Roger, Emmanuel Rousseau, Françoise Vieillard, avant-propos de Gérard Ermisse, préface de Michel Pastoureau, Paris, Somogy-Groupe Malakoff-Centre historique des Archives nationales, 2004, 20×28 cm, 247 p. dont 78 p. de pl. couleur, ill. noir et blanc, cartonné sous jaquette couleur.
Acquis par les Archives de France en 2003, lors de la vente publique d’une partie des collections provenant d’Henry Chandon de Briailles, et conservé maintenant au centre parisien des Archives nationales de France (AE I 125, n° 6), l’armorial Le Breton est le plus ancien armorial figuré conservé en France. C’est dire l’exceptionnel intérêt de l’édition qui a été réalisée.
Le manuscrit a été baptisé du nom de l’un de ses possesseurs, Hector Le Breton, héraut Montjoie, qui le fit relier à ses armes dans la première moitié du XVIIe siècle, et dont M.-F. Damongeot étudie la carrière et la bibliothèque (p. 32-35). Riche de 957 écus peints, quelques uns seulement dessinés, sur 71 pages, il forme un ensemble composite, comme le montre l’examen codicologique de M.-F. Damongeot (p. 27-30), et recèle. plusieurs strates héraldiques qu’E. de Boos a analysées (p. 13-25). Les plus anciennes remontent à la fin du XIIIe siècle :
1/ un armorial des fils de Priam d’une quarantaine d’écus, identifié par F. Vieillard (p. 37-39) ;
2/ le corps principal du recueil, un armorial de 580 écus tantôt mêlés (France, Picardie, Artois, Vermandois, Champagne, Hainaut, Lorraine et Barrois), tantôt regroupés en grands ensembles territoriaux (Normandie, Bourgogne, Flandre-Brabant), composé vers 1292 – donc peu après l’armorial Wijnbergen – par un héraut inconnu au service de Philippe IV le Bel ou de Charles de Valois. Deux importants compléments ont été joints au XVe siècle (le premier d’une tonalité plus universelle, l’autre détaillant les armes de la famille de Flavy en Picardie qui fut en possession de l’ouvrage) et divers ajouts pratiqués au XVIe.
L’armorial Le Breton n’est pas un manuscrit de luxe. Souvent manipulé au cours des siècles – E. de Boos a même des raisons de penser que Conrad Grünenberg l’a utilisé –, il a quelque peu souffert des injures du temps. Néanmoins, il constitue un témoin considérable de l’art héraldique du XIIIe siècle. Pour la partie principale, à laquelle plusieurs mains ont collaboré, l’exécution est rapide, comme les autres réalisations contemporaines, Wijbergen notamment, mais le style est maîtrisé, « vif et nerveux, comparable aux meilleurs sceaux armoriés de la fin du XIIIe siècle » (p. 20).
E. de Boos est maître en la matière et les principes scientifiques du travail sont irréprochables. Les identifications proposées par Paul Adam-Even dans ses carnets manuscrits, à partir de l’original (qu’il avait appelé Montjoie-Chandon), et celles de Michel Popoff, dans l’édition d’une copie de Baluz (« L’armorial Le Breton », RFHS, t. 51-53, 1981-1983, p. 8-31), ont été mises à contribution dans les notices réservées à chaque écu. Quelques écus ont résisté cependant à tout effort d’attribution.
L’édition critique est accompagnée d’une bibliographie, d’une table alphabétique et d’une table des armoiries. Pour couronner le tout, 71 planches en couleur, au cœur du volume, offrent la reproduction photographique intégrale du manuscrit.
Tout est exemplaire dans la genèse et la réalisation de l’ouvrage : l’acquisition du manuscrit, trésor patrimonial, par une collection publique, la rapidité de la parution, un an juste après cette acquisition, la compétence de la collaboration scientifique ainsi que la qualité esthétique de la publication, meilleure valorisation possible de ce patrimoine, et enfin le prix du livre que le mécénat d’entreprise a permis de rendre accessible à un large public (39 euros !).
Jean-Luc CHASSEL
Revue française d’héraldique et de sigillographie, édition en ligne
© Société française d’héraldique et de sigillographie, 2007