Comptes rendus de lecture

Martine FABRE, Sceau médiéval. Analyse d’une pratique culturelle, Paris, L’Harmattan, 2001, 13,5 x 21,5 cm, 336 p.

Auteur d’une thèse très documentée sur l’emblématique bretonne au Moyen Âge et de plusieurs articles, Mme Martine Fabre synthétise dans cet ouvrage sa longue expérience de la sigillographie. Son livre reflète l’esprit d’une génération de chercheurs, influencée par Michel Pastoureau et convaincue de l’intérêt de l’étude du sceau pour un nombre infini de sciences : idéalement, cette étude « impose le concours de l’archéologue, du chimiste, de l’entomologiste, du botaniste, de l’anthropologue, du cogniticien… La liste est longue des spécialités qui contribueront à la sigillographie de demain » (p. 16).
L’ouvrage se donne un double enjeu : mettre à jour, d’abord, les connaissances de base en sigillographie médiévale, à la façon d’un manuel ; dresser, ensuite, la prospective d’une « autre sigillographie » et repenser l’épistémologie de la discipline. Il fallait beaucoup de courage pour une entreprise si ambitieuse. Aux années de travail passées sur le terrain des sources, l’auteur ajoute, il est vrai, une grande diversité de lectures : nombre d’informations, parfois inédites, fournies au fil des pages sont fort utiles, et l’on ne peut que souscrire, sur le principe, au plaidoyer pour une ouverture très large de la discipline.
Si le livre mérite donc une lecture attentive et stimule la réflexion, on déplore, en revanche, son manque de didactisme. Ce défaut le rend difficilement recommandable comme manuel d’initiation ou comme ouvrage de référence. Comment admettre, en effet un plan parfois si mal bâti et quelques confusions ou lacune étonnantes. Ainsi, dans le chapitre III (« Formalisme »), la première section (« typologie diplomatique ») confond la typologie des sceaux selon les espèces diplomatiques et selon les catégories de sigillants (tout en faisant l’impasse sur les sceaux des communautés laïques !), et la seconde (« typologie sigillaire ») est réduite à un I-1 (« espèces sigillaires »), en fait consacré aux types iconographiques. De même, le propos sur l’usage non diplomatique du sceau (sans aucun effort de typologie) est franchement insuffisant, et ne fait pas la moindre allusion au scellages des coffres et bourses ni aux scellés judiciaires. Quant au dernier chapitre, attendu comme le plus novateur (« Pour une autre sigillographie »), il paraît convaincant lorsqu’il expose les approches nouvelles du sceau comme témoin « volontaire » ou « involontaire » d’une masse d’informations potentielles (traces laissées par les doigts, pollens présents dans la cire, par exemple). Mais il déçoit aussi par l’obscurité du style lorsqu’il dresse les axes de cette « stratégie » dont l’auteur souhaite l’avènement. N’y a-t-il pas quelque risque à passer de la « science aimable », à une épistémologie si abstruse et si exigeante ? Notamment, en matière d’inventaire, conscient des périls encourus par des milliers d’empreintes inconnues, on ne recommandera à personne de poursuivre des enjeux aussi peu réalistes. Ne décourageons pas les candidats au patient travail de recensement de sauvetage des empreintes conservées : même le plus traditionnel des inventaires est aujourd’hui bon à prendre… et tant pis si la sigillographie y perd dans l’affirmation de son autonomie.

Jean-Luc CHASSEL
Extrait de la Revue française d’héraldique et de sigillographie, t. 71-72, 2001-2002, p. 173

 

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