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LES ARMOIRIES. LECTURE ET IDENTIFICATION

par Emmanuel de Boos

Nouvelle édition en ligne

Première partie : Les armoiries. Notions générales
3. Composition héraldique

Règle des émaux

Armes de Godefroid de Bouillon, roi de Jérusalem, dans un armorial d’Alexandre Le Blancq,
Paris, Bib. nat., fr. 5232, fol. 20.

Le blason obéit à des règles et des coutumes dont une seule, la règle des émaux, est stricte et universellement observée : on ne peut mettre métal sur métal, ni couleur sur couleur, c’est à dire qu’on ne peut poser une pièce ou un meuble de métal sur un champ de métal, ni une pièce ou un meuble de couleur sur un champ de couleur, ni alterner deux métaux ou deux couleurs dans une partition. Ainsi, dans une armoirie, il ne peut être posé une fleur de lis de sable ou d’azur sur un champ de gueules, ni une fasce d’argent sur un champ d’or. De même, il ne peut exister un bandé d’azur et de gueules.

Cette règle a des exceptions : chef, armoiries écartelées, brisures, petits détails des figures (langues, griffes, couronnes…) et figures brochant sur un champ d’émaux alternés. Les fourrures, qui combinent deux émaux, peuvent être aussi bien associées à une couleur, à un métal ou à une autre fourrure.

Les héraldistes médiévaux ont dérogé volontairement à cette règle en associant l’or et l’argent pour confectionner l’armoirie de Jérusalem, ville-symbole de Dieu : d’argent à la croix potencée d’or, à quatre croisettes du même.

Situation des figures principales

La façon dont les meubles se combinent à l’intérieur d’un écu est plus affaire de conventions et d’habitudes que de règles strictes. Leur situation usuelle est la suivante. Un meuble unique est situé au centre où il occupe la plus grande surface possible. Deux meubles sont situés, soit l’un au-dessus de l’autre s’ils sont plus longs que hauts, soit l’un à côté de l’autre s’ils se déploient en hauteur. Trois meubles identiques peuvent être situés soit deux en chef et un en pointe (cas le plus fréquent), soit les uns au dessous des autres (en pal), soit les uns à côté des autres (en fasce). Quatre meubles se situeront ordinairement 2 et 2 ; cinq meubles, 2, 1, 2 (en sautoir) ; six meubles, 3, 2, 1. Au-delà de douze meubles, on considère qu’il s’agit d’un semé et il n’est pas nécessaire d’en compter le nombre.

Willem van Nus : d’azur au besant d’argent (posé en cœur),
Otte van Sinte Jans berch : de gueules à trois écussons d’or (posés 2, 1),
Peter van Diest : d’or à deux fasces et huit merlettes (posées en orle),
Armorial Beyeren. La Haye, Koninklijke Bibliotheek, ms. 79 K 21. fol. 6r, 21r et 30v

Combinaison de figures

Les meubles sont fréquemment rangés suivant la forme d’une pièce ou d’un meuble héraldique : en bande, en fasce, en sautoir, en orle, en croix, en losange, etc.

L’association de plusieurs figures suit différentes modalités principalement décrites par les termes : accompagné, chargé, brochant.

Accompagné(e), adj. : qualificatif d’une figure principale entourée de figures secondaires.
Chargé(e), adj. : qualificatif d’une figure sur laquelle est disposée une ou plusieurs autres figures.

Les expressions : accompagné en chef, accompagné à dextre, accompagné en pointe, etc. permettent de préciser l’emplacement d’un meuble secondaire. Pour une croix (ou un sautoir), entourée de meubles identiques placés entre chaque bras, on emploie le terme cantonné. Noter aussi les termes : adextré (accompagné à dextre), senestré (accompagné à senestre), accosté (accompagné à dextre et à senestre), surmonté ou sommé (accompagné en chef).

Portrait du connétable de Montmorency en tenue héraldique sur un vitrail de l’église d’Écouen : d’or à la croix de gueules cantonnée (accompagnée) de seize alérion d’azur.
Revers du grand sceau biface de Denis Ier, roi de Portugal (1318). : cinq écus rangés en croix et chargés de dix besants dans une bordure chargée de quatorze châteaux.
Paris, Arch. nat., sc/D 11576bis.
Armes de Jan van Hautrire : burelé de seize pièces d’argent et de gueules à trois perroquets de sinople colletés de gueules brochants, armorial Beyeren.
La Haye, Koninklijke Bibliotheek, ms. 79 K 21. fol. 30v.

Accompagné(e) et chargé(e) : qualificatif d’une figure entourée d’une ou plusieurs figures et portant une ou plusieurs figures.
Brochant : qualificatif d’une figure placée sur une ou plusieurs autres figures et les cachant partiellement.

À l’origine, la plupart des écus n’étaient chargés que d’une seule figure en un ou plusieurs exemplaires, mais très tôt on a rapproché dans un même écu des figures de nature différente. Le cas le plus fréquent est l’association de pièces et de meubles. En général, une pièce est associée à plusieurs meubles semblables, mais on trouve aussi des meubles dissemblables (chevron accompagné de deux étoiles et d’un besant) ou des meubles accompagnant ou chargeant un autre meuble (lion chargé de trois besants et accompagné de trois étoiles).

Combinaison d’armoiries

Le désir d’afficher ses alliances ou ses diverses possessions, se fit sentir très tôt. La femme associe sur son écu l’armoirie de son père à celle de son mari, le seigneur y réunit les armes de ses divers fiefs ou fait montre de ses alliances prestigieuses.

La combinaison de deux ou de plusieurs armoiries sur un même écu, constitue une armoirie composée. A contrario, on appelle une armoirie simple, un écu où apparaît seule l’armoirie familiale.

Pour combiner des armoiries, on peut utiliser des écus accolés, mais on les réunit aussi dans un seul écu en se servant des partitions : parti (n° 63), coupé (n° 22), écartelé (n° 160).

Mi-parti, adj. : qualificatif d’un écu parti associant la moitié dextre d’une armoirie avec la moitié senestre d’une autre. Les armes les plus honorables sont placées au 1 (à dextre), les autres au 2 (à senestre).


Les armoiries de Jeanne du Chastel (au centre) sont mi-parties de celles de son mari, Louis de Bouteville (d’argent à cinq fusées de gueules), et de celles de son père, Olivier du Chastel (fascé de six pièces de gueules et d’or).
Vitraux de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët.

L’écu mi-parti est le mode de combinaison le plus ancien. Ce type d’association est parfois gênant et peut entraîner des difficultés de lecture.

Les problèmes d’un mi-parti : télescopage malheureux de la merlette et de la coquille, disparition de la moitié de la tête de maure qui la rend difficile à identifier, transformation des chevron en bande et en barres.
Heures de Denise Poncher, Los Angeles, Musée Paul Getty, ms. 109, fol. 90v (photomontage)
Relevé d’une tapisserie aux armes d’Étienne Poncher, Paris, Bib. nat., Estampes, Pc-18-Fol.

Très vite on a préféré utiliser l’écartelé, partition divisant l’écu en quatre quartiers, (n° 160) qui permet de conserver chaque armoirie intacte.

Fréquemment, l’écartelé est formé de la juxtaposition de deux armoiries ; la plus honorable est placée au premier et au quatrième quartier, l’autre au deuxième et au troisième.

À gauche: … au lion de …
Au centre: écartelé, aux 1 et 4, … un lion; aux 2 et 3, … fretté de … et semé de feuilles
À droite: … fretté de … et semé de feuilles

Au-delà de quatre quartiers, les divisions ne portent pas de nom particulier et il suffit de compter le nombre de traits de parti et de coupé dont elles sont formées.

Afin de faciliter la lecture, les quartiers sont numérotés par convention de gauche à droite et de haut en bas.
Dans le cas de partitions multiples, l’armoirie la plus honorable est fréquemment placée au cœur de l’écu dans un écusson sur le tout.

Armoiries d’Emmanuel de Crussol, troisième duc d’Uzès.
Ecartelé, aux 1 et 4, parti en a, fascé de six pièces d’or et de sinople (Crussol) et, en b, d’or à trois chevrons de sable (Lévis); aux 2 et 3, contre-écartelé en a et d, d’azur à trois étoiles d’or rangées en pal (Gourdon) et, en b et c, d’or à trois bandes de gueules (Genouillac); sur le tout de gueules à trois bandes d’or (Uzès).
Armorial de l’ordre du Saint-Esprit. Paris, Bib. nat., fr. 8204, fol. 21

 

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