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LES ARMOIRIES. LECTURE ET IDENTIFICATION

par Emmanuel de Boos

Nouvelle édition en ligne

Première partie : Les armoiries. Notions générales
4. Modifications des armoiries

Les brisures

Brisure, n. f. : modification apportée à une armoirie par un individu qui, n’étant pas chef d’armes, n’a pas le droit de porter son armoirie pleine.
Briser : effectuer une brisure.
Armes pleines, loc. : armoirie du chef d’armes, qui ne comporte aucune brisure. Ne pas confondre avec plain, qualificatif d’un écu dépourvu de figures (n° 19).

Armes et brisures des princes capétiens.
Grand Armorial équestre de la Toison d’or.
Paris, Arsenal, ms. 4790, fol. 54.

L’emploi de la brisure est lié au caractère héréditaire des armes, la brisure permettant de situer rapidement l’individu au sein d’une famille et la famille au sein du lignage. Elle permettait aussi, sur le champ de bataille, de distinguer les membres d’une même famille.
La règle a été très irrégulièrement appliquée, les brisures ayant été aussi ressenties comme des marques dévalorisantes. Son respect a varié selon les époques, les familles et les régions.

Apparues vers les années 1190-1200, les brisures se répandent en raison d’exigences militaires, l’apogée se situant entre 1200 et 1330. Dès le milieu du XIVe siècle, elles se raréfient en même temps que diminue la place de l’héraldique sur les champs de bataille. À l’époque moderne, seules quelques familles royales ou princières continuent de faire usage des brisures.
Les brisures rendent les travaux d’identification plus complexes, car les répertoires ne recensent généralement que les armes pleines. Mais si la famille est identifiée, elles peuvent permettre de reconnaître l’individu.

Les modes de brisure sont très variés : contrairement aux assertions de certains théoriciens, il n’y a jamais eu de règle établie pour marquer le rang dans la famille ou le lignage. Les principaux sont : la modification des émaux, la modification des figures et l’addition d’une figure.

La modification des émaux est encore mal connue, car l’étude des brisures dans l’héraldique médiévale s’effectue principalement d’après les sceaux, qui n’indiquent pas les émaux. Le procédé le plus courant est l’inversion des émaux du champ et des figures, mais il suffit de changer un seul émail pour briser.

La modification des figures joue sur l’augmentation ou la diminution du nombre, le changement de la forme ou de la position, ou encore le remplacement de la figure par une autre. Ce mode de brisure est difficile à repérer lorsque l’armoirie pleine n’est pas connue.

L’addition d’une figure est plus facile à repérer, puisqu’en général elle vient perturber l’ordonnance de l’armoirie. Dès le XIIIe siècle, c’est le mode de brisure le plus répandu.

Sceau de Guy de Châteauvillain (1282) et contre-sceau d’Albéric le Maréchal (1261). Les armes de leurs lignages (un lion posé sur un champ de billettes d’une part et une croix ancrée d’autre part) sont brisées par un lambel pour l’un et une bande pour l’autre.
Paris, Arch. nat., sc/B 246. et sc/D 2696bis.

Les figures les plus fréquemment ajoutées pour briser sont le lambel (50% des brisures, n° 271), la cotice (n° 94), le bâton (n° 97), le franc-quartier (n° 165). D’autres figures sont également assez couramment utilisées : le chef (n° 25), la bordure (n° 127), souvent engrêlée (n° 128), la bande (n° 84), ou quelques petits meubles comme la merlette (n° 323), l’étoile (n° 239) ou l’annelet (n° 221). Employés seuls et placés à un endroit discret de l’écu, ils sont très souvent des brisures.

Autres modifications

Même s’il est chef d’armes, le possesseur peut à sa guise modifier son armoirie ou l’abandonner pour une autre.

De telles transformations ou mutations, fréquentes au Moyen Âge et au XVIe siècle, persistent jusqu’à la Révolution. Elles concernent toutes les couches de la société, et non les seuls roturiers.

Armoiries successives de Jean Galéas Visconti (comme comte de Pavie, comme seigneur de Milan et gendre du roi de France, puis comme duc de Milan) et de ses fils Jean Galéas, Gabriel-Marie et Jean-Marie.
Milan, Biblioteca Trivulziana, ms. 1390.

Au Moyen Âge, les raisons qui président à ces modifications sont variées : changement de faction politique entrainant l’adoption d’une nouvelle figure ou d’un nouvel émail ; acquisition d’une dignité ou d’un fief entrainant l’abandon de l’armoirie familiale ou bien l’intégration de celle-là dans celle-ci ou inversement ; volonté de relever les armes maternelles ; mariage ou alliance honorable ; refus de briser pour des cadets ; perte du sceau armorié, voire simple caprice. Ainsi un père et son fils ou deux frères peuvent porter des armes totalement dissemblables, et un même individu peut posséder au cours de sa vie deux, trois ou même quatre écus armoriés partiellement ou totalement différents.

À l’époque moderne, les changements d’armoiries sont moins nombreux. En principe, il est nécessaire, à partir de la fin du XVIIe siècle, de demander au roi une autorisation pour relever les armes d’une famille éteinte. Toutefois, nombreux sont ceux qui se passent de toute formalité et il est parfois difficile de comprendre la raison de certains changements, surtout si la famille est de condition modeste. Dans les familles roturières, l’écu peut se transformer à chaque génération et même plus souvent.

 

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