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LES ARMOIRIES. LECTURE ET IDENTIFICATION

par Emmanuel de Boos

Nouvelle édition en ligne

Deuxième partie : L’identification d’une armoirie
2. Blasonnement

Le blason couramment utilisé de nos jours est celui du Moyen Âge, révisé par les héraldistes du XVIIe siècle, notamment P. Palliot et C. Ménestrier, qui en ont fait un outil de description très précis, mais parfois d’une complexité inutile. Actuellement, les héraldistes tendent à le simplifier en débarrassant le vocabulaire des synonymes et en supprimant les éléments qui vont de soi : la position « usuelle » des combinaisons de figures ou syntaxe d’association. Le blasonnement : d’argent à trois lions de gueules posés 2 et 1, accompagnés d’une étoile d’azur en abîme, peut simplement s’écrire : d’argent à trois lions de gueules, à l’étoile d’azur. Le vocabulaire et la syntaxe codifiés permettent de préciser en peu de mots la nature des figures et leur position relative dans l’écu. Une armoirie peut être reconstituée sans difficulté à partir d’un blasonnement correct.

Pour blasonner une armoirie, on décrit d’abord l’écu, puis les ornements extérieurs.

Pour blasonner l’écu, on précise d’abord s’il est simple ou composé.

Armoirie simple

Une armoirie est constituée d’éléments posés les uns sur les autres que l’on décrit dans l’ordre de leur superposition, en commençant par le champ.

Certaines figures sont décrites en dernier en raison de leur position particulière le long des bords de l’écu. Ce sont le chef (n° 25), la champagne (n° 26), la bordure (n° 127) et le franc-quartier (n° 165).

On a souvent utilisé ces pièces pour ajouter un élément à un écu déjà constitué, dont elles ne détruisent pas l’ordonnance. C’est ainsi que de nombreuses villes ont ajouté à leurs armoiries d’origine un chef chargé de fleurs de lis (Paris, Tours, Millau, Rouen, Moulins…)

Les émaux sont introduits par « de » ou « d’ », les figures par « à » ou « au ». L’expression « du même » est utilisée pour ne pas répéter le nom d’un émail (sous entendu : du même émail).

De très nombreux écus peu chargés sont décrits à l’aide de ces seuls éléments de syntaxe. La phrase ne contient pas de verbe, l’expression « l’écu est… » étant sous-entendue.

Ordre de description de l’armoirie.

Les armoiries de la ville du Mans, par exemple, se blasonnent de gueules à la croix cantonnée de quatre chandeliers d’or et chargée d’une clef de sable, au chef d’azur chargé de trois fleurs de lis d’or ; à la bordure d’or :

  1. l’émail du champ : de gueules
  2. la première figure et son émail : à la croix d’or
  3. les figures l’accompagnant et leurs émaux : cantonnée de quatre chandeliers d’or
  4. les figures la chargeant et leurs émaux : et chargée d’une clef de sable
  5. la zone secondaire et son émail, suivie des figures la chargeant, et leurs émaux : au chef d’azur chargé de trois fleurs de lis d’or
  6. la bordure qui entoure l’ensemble de l’écu : à la bordure d’or.

Ce blasonnement permet de restituer sans peine un écu qui comporte un nombre réduit de figures et dont chaque élément occupe une position « usuelle ».

Pour les écus dans lesquels les combinaisons de figures sont plus complexes, il est nécessaire de préciser :

  • la position des meubles sur le champ ;
  • la situation des meubles les uns par rapport aux autres ;
  • la situation des meubles sur le champ.

La position des meubles sur le champ de l’écu peut s’écarter de la norme. Un animal peut être contourné (tourné vers senestre). Un croissant ou un chevron peuvent être renversés (présentés tête en bas). Un meuble peut aussi adopter l’orientation d’une pièce héraldique.

Différentes positions de l’épée dans le champ de l’écu : posée en pal (a,b), en fasce (c), en bande (d).

La situation des meubles les uns par rapport aux autres est décrite, on l’a vu, par les termes : « chargé, accompagné, cantonné, chargé et accompagné, brochant ».

De gauche à droite :
De gueules à la bande d’or chargée de trois roses de gueules. Armes de la Maison florentine de Borgerini. Munich, Bibliothèque d’État de Bavière, cod. icon. 277, fol. 36.
Écu à une fasce accompagnée de trois étoiles, posé sur une crosse. Sceau de Jean Germain, évêque de Chalon, conseiller du duc de Bourgogne. Sceau de la Chambre (1437). Paris, Arch. nat., sc/B 943.
D’or à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d’argent et cantonnée de seize alérions d’azur. Armes du seigneur de Laval. La Haye, Koninklijke Bibliotheek, Wapenboek Beyeren (v. 1400-1405), fol. 6.

La situation des meubles sur le champ de l’écu ne doit faire l’objet d’aucune mention si elle est usuelle, les précisions inutiles étant à bannir. On la précise uniquement lorsqu’elle s’écarte des règles exposées, par exemple si les meubles sont situés dans une région particulière de l’écu « une étoile en chef, à dextre, à senestre, en pointe », ou s’ils sont disposés dans le sens d’une pièce héraldique. Dans ce dernier cas, on emploie l’expression : « rangés en » (le mot « rangés » étant souvent sous-entendu).

De gauche à droite :
D’or à six boules, cinq de gueules et celle du chef d’azur à trois fleurs de lis d’or. Écu des Médicis sur une coupe aux armes du pape Clément VII. Musée des arts décoratifs de Berlin. La disposition des boules et celles des lis étant classique, on ne doit pas la blasonner.
D’argent à trois cœurs de gueules sous un chef d’azur à trois couronnes d’or. Tours, Bib. mun., ms. 16, fol. 1. Quoique différente, la disposition des trois cœurs dans le champ et de trois couronnes sur le chef est classique. A nouveau, il ne faut donc pas la blasonner.
De gueules à six losanges d’azur bordés d’or, rangés en croix latine. Armes des Antas. Armorial d’António Godinho, Arquivo Nacional Torre do Tombo, Casa Real, Cartório da Nobreza, liv. 20, fol. 26. La disposition en croix est atypique, il faut la blasonner.
D’azur à une étoile d’or à huit rais entre quatre croissants d’argent affrontés en croix. Armes des Carvalho. Ibid. fol. 30v. La disposition en croix est atypique, il faut la blasonner.

Armoirie composée

Une armoirie composée est formée de la juxtaposition de plusieurs armoiries simples. Pour blasonner, on commence par indiquer la nature de la partition, c’est-à-dire de chacun des alvéoles destinés à recevoir une armoirie simple : coupé, parti, mi-parti, écartelé, contre-écartelé, coupé de x traits et parti de y traits. Puis, on numérote les quartiers selon la convention de numérotation déjà exposée. Après l’annonce du numéro du quartier à blasonner, celui-ci est décrit comme on le fait pour une armoirie simple. On passe ensuite au quartier suivant dans l’ordre numérique.

Les écus à plusieurs quartiers comportent assez souvent en cœur un petit écusson portant une armoirie. Décrit en dernier, celui-ci est précédé des mots « sur le tout ». Il n’est pas nécessaire de préciser qu’il s’agit d’un écusson – ce qui va de soi – sauf s’il a une forme particulière (en losange, rond, etc.)

De gauche à droite :
Écartelé au 1 et 3, de gueules à dix losanges d’argent (Lalaing) ; au 2, d’or à la croix de gueules cantonnée de seize aiglettes d’argent (Montmorency) ; au 3, d’or à trois huchets de gueules embouchés et virolés d’argent (Hornes) ; sur le tout écartelé aux 1 et 3 d’argent au lion de gueules à la queue fourchée (Luxembourg) ; aux 2 et 4 de gueules à une étoile à seize rais d’argent (des Baux). Armoiries de Guillaume de Lalaing, comte de Hoogstraten. Munich, Bibliothèque d’État de Bavière, cod. icon. 320, fol. 23v
Sceau delphinal du roi Charles V (1376) figurant un écu écartelé, aux 1 et 4, semé de fleurs de lis (France) ; aux 2 et 3 un dauphin (Dauphiné). Paris, Arch. nat., sc/D 65.

Ponctuation

La ponctuation permet de faire l’économie de certains termes. Ainsi, dans le membre de phrase : de gueules à la croix d’azur, à l’écusson de gueules, la virgule remplace l’expression « chargée en cœur d’un ». Ce blasonnement est possible parce que l’écusson est à sa place usuelle (en cœur).

Dans un blasonnement long d’une armoirie simple, le point-virgule peut être utilisé pour isoler les figures décrites en dernier (chef, champagne, bordure ou franc-quartier). Dans une armoirie composée, le point-virgule sépare deux quartiers.

Deux points introduisent le blasonnement d’un quartier ou d’un sous-quartier.

Trois points « … » remplacent les émaux ou les figures inconnus : de… à trois chabots de… ».

Le point n’est utilisé que lorsque la totalité de l’écu est décrit, quelle que soit la longueur du blasonnement.

Armes de Jean d’Anjou, duc de Calabre, fils du roi René.
« Coupé de 1, parti de 2, ce qui fait six quartiers : au 1, fascé de six pièces d’argent et de gueules (Hongrie) ; au 2, d’azur, semé de fleurs de lis d’or, brisé d’un lambel de gueules (Naples) ; au 3, d’argent à la croix de Jérusalem d’or (Jérusalem) ; au 4, d’azur, semé de fleurs de lis d’or, brisé d’une bordure de gueules (Anjou) ; au 5, d’azur semé de croisettes recroisetées au pied fiché d’or, à deux bars du même adossés (Bar) ; au 6, d’or à la bande de gueules chargée de trois alérions d’argent (Lorraine) ; le tout brisé d’un lambel de gueules ».
Armorial de l’Ordre du Croissant (après 1448). Paris, Bibl. nat., fr. 25204, fol. 46v.

Ornements extérieurs

Une fois l’écu blasonné, on décrit les ornements extérieurs. L’opération est souvent délicate, en raison de la grande liberté du dessin et en l’absence de langage codifié. Comme pour l’écu, il importe d’être précis, tout en restant concis. Il n’est pas nécessaire de décrire chaque détail, beaucoup étant dus à la fantaisie du dessinateur et n’ayant aucune signification emblématique.

L’ordre de description est le suivant : casque (avec ou sans lambrequins), tiare, couronne, chapeau, cimier, croix, crosse, bourdon, collier d’ordre, support, devise, cri d’armes, manteau.

À chaque fois que l’on commence la description d’un élément, celui-ci doit être nommé (ce qu’on ne fait pas pour l’écu) et être séparé des autres par un tiret.

Armoirie de Louis XVIII. Parti, au 1, d’azur à trois fleurs de lis d’or ; au 2, de gueules aux chaînes de Navarre d’or – Casque à lambrequins d’or et d’azur – Couronne royale d’or – Cimier : une fleur de lis double d’or – Colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit – Supports: deux anges vêtus d’un tabard, à dextre aux armes de France et à senestre à celles de Navarre, tenant chacun une bannière aux mêmes armes – Cri d’armes : Mont Joye Saint Denis – Manteau d’azur semé de fleurs de lis d’or, doublé d’hermine, et surmonté d’un pavillon d’or et d’argent, sommé d’une couronne royale d’or.

 

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