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Comptes rendus de lecture
Les armoriaux médiévaux. Actes du colloque international «Les armoriaux médiévaux» (Paris, 21-23 mars 1994), sous la direction de Louis HOLTZ, Michel PASTOUREAU et Hélène LOYAU, Paris, Le Léopard d’or, 1997, 16×24 cm, 424 p. (Cahiers du Léopard d’or, 8)En 1994, l’Institut de France accueillait un colloque international organisé par l’Institut de recherche et d’histoire des textes consacré aux armoriaux. D’emblée, on comprend l’intérêt d’un tel colloque et de la publication de ses actes : les armoriaux sont des outils majeurs utilisés par les héraldistes qui les créent et par les historiens, mais peu mis en valeur, sinon lors d’une édition scientifique. Ce paradoxe est mis en relief par Michel Pastoureau dans une introduction générale, qui rappelle à travers une typologie large la nature très diverse des armoriaux et les difficultés d’édition de tels documents.
Cette diversité et les différentes approches que l’on peut en avoir se retrouvent à travers les différentes communications qui constituent la première partie (la plus importante) de l’ouvrage. Le caractère international du colloque apparaît nettement : la France du Nord, les Flandres, l’Angleterre, la Normandie, la Pologne, la Hongrie, l’Autriche sont évoquées à travers des études monographiques qui sont aussi et surtout passionnantes par la méthodologie qui constitue la part essentielle des communications : discerner la réalisation matérielle des codices (Carla Bozzolo et Hélène Loyau, pour l’armorial de la Cour amoureuse de Charles VI, Christiane Van den Bergen-Pantens pour l’armorial dit de Gorrevod ), analyser la destinée d’un archétype (François Boniface pour les armoriaux des Fêtes de l’Épinette de Lille), identifier (un terme qui revient très souvent…) à partir de corpus qui sont souvent à élaborer à partir de sources diverses, comme le montre P. Pacaud à propos d’un armorial normand du XIIIe siècle.
Un deuxième groupe de communications ouvre la problématique aux armoriaux autres que les codices, notamment les décors peints : ces armoriaux monumentaux, dans les maisons nobles ou les palais de souverains, ne remplissent-ils pas une fonction proche des livres d’armoiries, mais d’une manière plus voyante, plus démonstrative, avec des nuances relevées par Emmanuel de Boos ? On sent nettement qu’à part quelques cas, ces décors sont encore mal connus et que leur étude constitue un champ d’investigations en grande partie vierge. À cet égard, la synthèse présentée par Christian de Mérindol constitue un « rapport d’étape » riche de promesses et essentiel par la méthode d’analyse proposée.
Le troisième groupe de communication est centré sur les rapports entre les armoriaux et les possesseurs d’armoiries. Autre réflexion, qui sort du domaine strictement codicologique et se veut essentiellement histoire sociale, illustrée par deux études menées par des représentants éminents de l’école historiographique allemande. Le professeur Paravicini analyse le Rôle d’armes des «Meilleurs», armorial dont l’étude voudrait déboucher sur « l’insertion des armoriaux et des hérauts d’armes dans l’histoire culturelle, voire générale ». En revanche, les inscriptions épigraphiques ne constitueraient-elles pas une forme différente par nature des décors héraldiques, nées non pas d’une conception globale, mais d’une sorte de réflexe qui tend à laisser une trace de son passage au même titre que les graffitis contemporains : sont-ce des armoriaux monumentaux ou un ensemble hétérogène résultant d’un usage «sauvage» qui touche plus à une coutume qu’au souhait de constituer un recueil normatif ? De même les inventaires de sceaux armoriés comme ceux de la collection Clairambault constituent-ils un armorial au sens historique du terme, ou bien une collection factice ?
Et les hérauts d’armes, concepteurs des armoriaux ? Ils sont parfois identifiés, mais leur culture et leur mode de travail sont encore assez mal connus, comme le montre le professeur Paravicini et Claire Boudreau, qui rappelle les règles et la forte tradition qui domine la transmission de leur science.
Les communications de ce colloque, fort riche, font date par l’étendue géographie prise en compte et les exposés méthodologiques. Deux suggestions a posteriori : peut-être aurait-il été bon de prolonger l’intérêt de ces actes par l’établissement d’un bilan bibliographique et historiographique, ce permettant de connaître exactement l’étendue des instruments à la disposition des chercheurs. Surtout, qu’en est-il des armoriaux de bourgeois, notamment dans l’espace germanique et italien ? L’héraldique bourgeoise reste encore trop peu étudiée. Peut-être un thème pour un prochain colloque ?
Benoît JORDAN
Extrait de la Revue française d’héraldique et de sigillographie, t. 69-70, 1999-2000, p. 169-170